L'art du vitrail, ancestral et contemporain (1/3)
rôle des vitraux
Le vitrail est une composition décorative translucide utilisant le verre comme matière première. En Europe, l’art du vitrail se manifeste essentiellement dans l’architecture religieuse chrétienne. Les vitraux possèdent alors trois grandes fonctions :
- clore : sa première fonction, mécanique, est de clore les ouvertures tout en permettant à la lumière de pénétrer.
- décorer : il devient un élément décoratif s’il présente une composition de couleurs et de motifs.
Verrière historiée, cathédrale de Bourges - XIIIè
- raconter : il peut parfois décrire une scène et raconter une histoire. Ce rôle fut important dès le Moyen-Âge dans l’enseignement religieux des populations illettrées. Utiliser couleurs et lumière afin de « diriger les pensées des fidèles par des moyens matériels vers ce qui est immatériel » : c’est en effet la définition de la fonction du vitrail religieux donnée par l’abbé Suger, historien et conseiller des rois Louis VI et Louis VII, abbé de la basilique royale de Saint-Denis et qui en commanda les vitraux en 1144. Le vitrail devient le symbole de la lumière sacrée, de la transcendance du divin.
Verrière non figurative - église de Mortagne-sur-Gironde Gustave-Pierre Dagrand - XIXe
Trois grandes familles de verrières se partagent l’espace :
- les verrières figurées : elles représentent des personnages de la chrétienté, souvent reconnaissables à la symbolique qui les entoure.
- les verrières historiées : elles illustrent des passages de la Bible ou de la vie des Saints.
- les verrières décoratives non figuratives : souvent ornées de motifs géométriques, elles laissent parfois paraître des blasons de bienfaiteurs.
Cette fonction pédagogique a disparu au XXe siècle, au profit d’un dialogue entre l’architecture et les vitraux, vus comme une expression artistique contemporaine.
Les vitraux contemporains, en mettant en relation les couleurs, la transparence et l’architecture, ont toujours aujourd’hui le rôle de créer une ambiance propice au recueillement, mais aussi de célébrer la lumière et de magnifier l’espace dans lequel ils s’inscrivent.
une histoire du vitrail
Le verre blanc est connu dès l’Antiquité en Égypte et en Orient. Les Romains l’utilisent pour clore les ouvertures de leurs maisons. Le verre coloré décoratif, le vitrail donc, existe en Europe occidentale dès le Ve siècle.
C’est cependant à partir du XIIe siècle qu’il se développe réellement, dans les églises romanes. Essentiellement composé de verre blanc, il est très clair pour apporter le plus de lumière possible dans des ouvertures rares et étroites.
Cathédrale de Chartres détail du «Bleu de Chartres» XIIIè
La translucidité du fameux « bleu de Chartres » (cathédrale de Chartres) répond à ce critère de luminosité. Certains ordres religieux, comme les Cisterciens, prônent plutôt un vitrail incolore à motifs géométriques, plus propice selon eux à la méditation et à la prière que les riches vitraux colorés.
Au XIIIe siècle, l’architecture gothique permet aux fenêtres de s’agrandir. Les vitraux deviennent plus foncés, et la gamme de couleurs s’enrichit.
Abbaye cistercienne de Noirlac - XIIe
Les XIVe et XVe siècles sont marqués par la découverte de nouvelles couleurs et effets, et par l’amélioration de la qualité du verre. Les scènes deviennent de plus en plus précises, les visages plus expressifs et les couleurs plus nuancées, grâce à une parfaite maîtrise technique. La découverte des émaux améliore encore la palette de
couleurs, mais assombrit aussi le vitrail.
En réaction, le XVIIe siècle recherche la clarté : les vitres sont blanches et simplement ornées d’une bordure colorée. Au XVIIIe siècle, le vitrail de couleur est tout bonnement banni.
A partir du XIXe siècle, le vitrail décoratif réapparait, donnant naissance à une véritable industrie.
Standardisé, il se vend sur catalogue. Alors que la peinture française connaît un formidable succès, le vitrail reste à part, dénué de toute créativité. Il faut attendre le mouvement de « l’Art Nouveau », à la fin du siècle, pour que le vitrail redevienne un art vivant.
Art Nouveau - Jacques Gruber vitrail Luffas et Nymphéas vers 1907-1908 coll. Musée de l’Ecole de Nancy